Salut à tous,
Nous terminons
une autre semaine à Karanda et j’ai l’impression d’être ici depuis des mois.
Notre routine se précise maintenant que nous avons un plan pour les enfants.
Julien va maintenant à l’école de l’hôpital avec deux autres enfants dans sa
classe. Mathieu va commencer la garderie la semaine prochaine. Nous commençons
le travail à 7h30 et je suis déjà en short à chercher l’ombre ! De 10h00 à 10h30 nous avons une pause thé
(pas café mais bien thé). Chacun rentre chez soi, Julien revient en courant de
l’école pour 30 minutes et nous reprenons le chemin de nos activités à10h30.
Julien repart en courant aussi vite qu’il est revenu… il faut dire que l’école
est à 300m de la maison.
Justement, 300m définissent
notre rayon utile. 300m autour de notre chambre nous amènent à l’hôpital,
l’atelier de vélo, l’école de julien, le terrain de football, la garderie de
Mathieu, les maisons des médecins qui vivent ici de manière permanente, la
nanny qui s’occupe des enfants après l’école et finalement des agriculteurs
locaux qui viennent vendre leurs fruits et légumes aux employés juste en dehors
du périmètre de l’hôpital. Quelques encablures au-delà des 300m nous mènent à la
rivière aux crocodiles (qui sont en fait un peu plus en aval), le (très) pauvre
village local avec sa rue principale défoncée et la pompe à eau au milieu de la
rue dont tous les habitants se servent pour leurs besoins quotidiens. Après ca,
des heures de néant quelque soit la direction.
Comme je le
disais dans mon blog précédent les besoins du programme de vélo est bien plus
important que je ne m’y attendais. Les vélos sont trop souvent dans un état qui
requiert des heures de travail en démontage, nettoyage, remise à niveau et
explication des fondamentaux en terme de maintenance. J’en vois de toutes les couleurs : de la
chambre à air réparée une trentaine de fois (non… pas 30 fois le même trou), le
pneu recousu à la main au gros fils de fer, en passant par la roue dont la
moitié des rayons sont cassés ou manquants et bien sur tout ca sans une lubrification
effectuée depuis 2014, date à laquelle les vélos ont été mis en circulation. L’atelier
manquait de pièces de rechange afin de remettre certains vélos en état de
marche.
Nous nous sommes
rendus directement au siège de l’entreprise à Harare qui à créé et commercialise
les vélos ‘Buffalo’. J’ai eu la chance de rencontrer le propriétaire de
l’entreprise qui nous a généreusement donné quelques outils dont j’avais
vraiment besoin et qui étaient hors de notre portée financière. Ses vélos se
vendent maintenant dans 5 pays d’Afrique et en Colombie et l’expansion continue.
La production est de 80 vélos par jour qui sont tous généralement vendus ou
exportés. Les vélos arrivent dans des boites directement de Chine ou les cadres
sont fabriqués par Giant et entièrement montés dans l’entrepôt à Harare.
N’imaginez surtout pas une usine du style Giant ou Cannondale, mais plutôt un
entrepôt derrière une maison dans une rue typiquement locale : terre
battue et des nids de poule qui feraient passer ceux de Montréal – pourtant internationalement
connus - pour la version ‘amateur’.
En tout cas,
$551US plus tard j’avais en main : selles, pédaliers, roulements à billes,
bras de pédaliers, chaines, rayons, etc.
Je suis donc de retour à Karanda avec de quoi réparer une bonne partie
de ce qui me viendra et l’impression d’avoir fait un grand pas pour préparer
les semaines à venir à l’atelier. Maintenant que le mot est dans la communauté
les vélos arrivent par vagues et j’ai du mal à suivre le rythme ! Gibbs (la personne qui m’aide) semble aussi
débordé que moi. Le jeudi matin, lendemain de notre voyage, une vingtaine de
personnes se sont présentées pour faire réviser leur équipement après avoir
entendu dire que des pièces étaient disponibles !
Ce fût un longue
journée et après 8 heures dans un Range Rover de 1983 à conduire dans des
conditions épiques je pense avoir perdu deux vertèbres, 5 cms, toute sensation
dans le bras gauche à force de me cramponner et j’ai failli mouiller mon pantalon
à quelques reprises à l’idée d’écraser des écoliers ou des vendeurs à la
sauvette. Moi qui pensais avoir tout vu lors d’un voyage en au moyen-orient il
y a quelques années…
Après bientôt
deux semaines sur le terrain et la surprise de cadres humain et environnemental
incroyables vient malheureusement le temps de la réalisation de la pauvreté extrême
dans lequel nous évoluons. Le programme
sur lequel je travaille est important mais le contexte l’est encore plus.
Certains
utilisateurs ont reçu un vélo en contrepartie de leur engagement des programmes
gérés par l’hôpital dans la prévention de la malaria, du SIDA, pour la
vaccination etc. D’autres personnes ont reçues un vélo car ils travaillent à la
maintenance de l’hôpital. Finalement, d’autres ont un vélo parce que… bien je cherche encore. Tous peuvent utiliser
ces vélos pour des raisons personnelles cependant, l’attribution de ces vélos
représentent bien plus que ce que l’on peut imaginer :
-
10
kms – c’est la distance parcourent une bonne partie des personnes qui travaillent
à l’hôpital ou qui participent aux programmes de préventions et qui se rendent
à l’hôpital de manière régulière. Et
alors ? bien je n’ai pas encore
rencontré d’employés de l’hôpital qui possèdent une voiture ce qui veut dire
que les gens marchent, utilisent un bus de brousse ou un vélo pour se déplacer.
Le jour ou nous avons travaillé sur le vélo de Gibbs (la personne qui m’aide à
l’atelier) nous avons malheureusement du nous rendre à l’évidence que nous
n’avions pas la pièce pour le réparer (avant mon voyage à Harare). Il a marché
7 kms en pleine nuit et est revenu le lendemain pour 7h30 après avoir emmener
ses vaches au pâturage. Une autre fois
il a eu une crevaison et à du marcher pour venir au travail. 90 min dans chaque
sens.
-
3 kms
– la distance que les enfants marchent en
pleine brousse pour aller à l’école matin et soir en informe
(obligatoire). Les familles qui ne peuvent pas se permettre soit l’uniforme
soit le coût d’un semestre ($15) n’envoient pas leurs enfants à l’école.
-
$400
mensuel – le salaire d’un enseignant ;
-
$75
hebdomadaire – le salaire d’un ouvrier à l’hôpital en sachant qu’ils sont
employés à la demande seulement ;
-
$15
par semestre pour l’école sans compter le coût du l’uniforme ;
-
$2
pour une chambre à air de vélo… que malheureusement beaucoup de personnes ne
peuvent pas se permettre. $9 pour une selle, $8.5 pour un pneu ;
-
Des
soins de santé bien que subventionnés ici par l’hôpital sont hors de portée
comme une transfusion sanguine à $135, une hernie à $400. L’hôpital de brousse
ou nous sommes génère des pertes de plus d’1 million par an couvert par les
dons puisque la majorité des personnes locale ne peuvent se permettre de payer
les soins obtenus. L’hôpital reste à flot grâce aux patients qui viennent
d’autres régions ou de la capitale, à cause de la qualité des soins offerts, et
qui eux peuvent se permettre de payer.
Depuis 18 mois
maintenance la crise économique est profonde au Zimbabwe et une grave sècheresse
sévit actuellement dans notre région. La récolte dernière n’a pas été fameuse
et les locaux doivent maintenant choisir entre garder le peu d’argent qu’ils
ont pour payer une nouvelle semence, acheter à manger, des soins de santé,
l’école, et bien loin derrière tout ca réparer un vélo. Après deux semaines je
comprends mieux la détresse que je vois dans certains regards quand l’on doit
parler du coût de réparation des vélos.
Je commence lundi
prochain à travailler sur un autre projet ‘travail contre nourriture’. La
situation étant particulièrement grave ici un nouveau programme à été mis en
place : une personne fait un don de deux jours de travail à l’hôpital
(maintenance, jardin, etc) et la personne reçoit en contrepartie un sac de maïs
qui nourrira une famille pour une semaine. Nous allons nous assurer que la
répartition des denrées se fasse de manière équitable dans la région afin qu’un
maximum de familles puissent en bénéficier.
Pour finir sur un
sujet plu comique nous nous adaptons aussi aux contraintes locales. Comme la
sècheresse dure depuis plusieurs mois la rivière dans laquelle nous puisons
notre eau quotidienne est à un niveau très bas qui rend le pompage très
dangereux pour l’équipement. Il y a 3 jours j’ai bien entendu parlé d’un
problème d’eau et d’arrêt potentiel. Bien sur je ne me suis pas posé de
question. Après une journée de graisse de vélo, de travail au soleil j’avais
juste besoin d’une douche… mais pas d’eau. Rien. Même pas d’eau froide au
robinet. Mercredi soir nous n’avons pas eu d’eau à part ce que nous avions de
déjà prêt à boire. Idem pour jeudi soir et maintenant ce soir. D’habitude l’eau
revient le matin et est coupée en fin de matinée ou début d’après-midi. Ce qui
veut dire que nous devons planifier notre eau à boire. Nous devons filtrer
l’eau du robinet avec un système qui prend environ 45 minutes pour 3 litres
d’eau. Une fois ces 3 litres filtrés il faut les transvaser dans un jerrican et
ajouter des pastilles de purifications qui tuent les derniers germes. Ce
processus prend 2 heures avant que l’eau soit propre à la consommation avec
quand même un arrière goût dégeulasse.
Après m’être fait
avoir deux jours de suite nous préparons notre eau potable à l’avance… et nous
nous habituons à la ‘douche à la mitaine’ dans une petite bassine d’eau froide.
Vive les joies du camping !
Mon Dieu !Que de misère ! Nous ne connaissons pas notre bonheur de rouler en voiture aussi petite et vieille soit-elle, de boire à volonté l'eau du robinet qui pue et a goût de javel, de trimer pour pour un salaire plus qu'honorable ... D'une expérience comme la vôtre, on ressort grandi , avec une autre vision du monde.
ReplyDeleteBon courage pour toutes vos activités; bises
Tu ne verras plus la vie de la même manière après cette expérience....
ReplyDeleteÇa me don envie de vous y rejoindre...
Gros bisous
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